Le gouvernement du Québec dispose d’un surplus de presque 8 milliards $. Hourra? Saine gestion?
Pas vraiment.
Faut-il s’empresser de faire des cadeaux? De baisser les impôts?
Pas vraiment.
D’abord, quand un gouvernement fait un surplus, il y a à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle dans l’annonce. La bonne nouvelle, c’est qu’on ne creuse pas le déficit. Remarquez, ce n’est pas forcément négatif puisque le déficit peut faire partie d’une stratégie de relance économique, de stimulation des investissements ce qui, à terme, pourra créer de l’emploi et rapporter des revenus. Mais, bref, ne pas être dans le rouge n’est pas une chose indésirable. Soit.
En revanche, la mauvaise nouvelle, c’est qu’un surplus de cette ampleur signifie qu’on prélève trop ou qu’on n’investit pas suffisamment. Et ça, c’est mal.
Pourquoi?
Parce que la base, vraiment au plus simple de l’affaire, c’est quoi? Le gouvernement reçoit notre argent pour offrir des services. Oui, il y a beaucoup plus que ça, mais à la base, disais-je, c’est ça : il y a un montant X sur la table, alors on s’attend comme contribuable à avoir des services pour X montant. Un État, ce n’est pas une entreprise, quoi qu’on en dise. « On devrait gérer l’État comme une entreprise » n’est pas l’exemple d’une phrase intelligente qui prouve sa connaissance de l’économie, mais une idiotie crasse qui prouve l’aveuglement volontaire et l’endoctrinement. Une entreprise, ça meurt. Un État, ça reste. Qui plus est, l’entreprise a pour objectif la croissance des bénéfices des actionnaires. Quand ça ne fonctionne plus, on peut délocaliser, vendre, fermer, partir sous un autre nom. On peut bien rêver de délocaliser le Québec en Floride, mais ça n’arrivera pas. Même pour avoir les Expos à nous 12 mois par année…
Qu’on se dote d’une réserve est certes prudent et bienvenu. Après tout, l’économie est faite de cycles et les signes, nous dit-on, laissent entrevoir une récession dans un avenir pas si lointain.
Sauf que de ces 8 milliards $, on en retranche une partie qui ira dans le Fonds des générations pour réduire la dette. Remarquez, une dette n’est pas négative en soi puisque l’important est d’avoir le contrôle sur sa croissance, sur le paiement du service de la dette, car cette dernière n’est pas que constituée de remboursements en pures pertes : il y en a pour des milliards d’actifs au bilan du gouvernement du Québec. C’est comme votre hypothèque : si vous payez bien et n’avez pas de problème particulier, votre maison est une belle dette, n’est-ce pas? Et un actif à votre dossier. Mais, bref, après la portion prévue attribuée à la dette, on devrait avoir environ 4,4 milliards $ dans nos poches.
Ça fait rêver?
Oui, mais la prudence est de mise, parce que si le gouvernement baisse les impôts, il se prive de revenus futurs. Dans un contexte de possible récession, ça ressemblerait à une idée risquée. Et puis, comme je le disais, ça veut aussi dire qu’on n’investit pas suffisamment et qu’on laisse les problèmes perdurer. C’est mauvais.
Alors, vous vous dites : c’est pas nouveau, des surplus « surprise ». Comment se fait-il qu’ils prennent l’habitude de sous-estimer les surplus, systématiquement?
Pour deux raisons principales : d’abord, prévoir parfaitement l’évolution de l’économie sur une année, si c’était facile, ça se saurait. En constant mouvement est l’avenir, disait avec justesse Maître Yoda. Et puis… parce que ça sert des intérêts politiques électoralistes. Ça parait bien, annoncer que ça va mieux que prévu. Ça fait « saine gestion », ça fait « sérieux » et ça fait rêver. On peut alors faire une liste d’épicerie de bonbons qu’on pourra donner, à droite et à gauche, en vue des prochaines élections.
Pourtant, au fond, on en revient à l’essentiel : un surplus est (beaucoup) un prélèvement qui a été trop élevé ou des investissements insuffisants. Concrètement, ça veut dire qu’il y a une école dont le toit fuit toujours, ça veut dire un jeune en difficulté d’apprentissage qui n’a pas eu le service tant espéré, ça veut dire un patient qui attend plus que nécessaire, ça veut dire un projet de transport collectif qui se fait désirer, etc. Etc. Etc.
Évidemment, les 4,4 milliards $ ne règleraient pas tous les problèmes. Mais, ils en règleraient plusieurs.
Car, il y a un malaise quand on prend des photos avec des chaussures neuves pour dire qu’on est bon, alors qu’en réalité, il y a des gens – plusieurs et surtout les plus vulnérables – qui souffrent pour permettre ce résultat « emballant ».
Or, les impôts, c’est pour offrir des services, pas pour se vanter, ni offrir des bonbons…