Démographie : faire vieux os

Le vieillissement de la population, c’est terrible! On manque de main-d’oeuvre! C’est l’enfer! On sera trop peu nombreux à payer pour de trop nombreux p’tits vieux! Les frais en santé vont exploser! La caisse de retraite est insuffisante! Tous aux canots!

Oui, bon. On panique.

Et si ce n’était pas si terrible, après tout?

Replaçons un peu les choses. Qu’est-ce que la démographie? C’est la quantité d’humains, l’état quantitatif de la population humaine d’un territoire donné (par région, par ville, par pays, etc.), mais c’est aussi l’étude des populations humaines, comprendre ce qu’elles font, ce qu’elles sont, essayer d’en tirer des projections qui seront utiles de bien des façons.

Évidemment, quand on donne à la démographie une couleur économique, on s’intéresse alors à la répartition de la population active, les groupes d’âge, la proportion des 65 ans et plus, etc. Ces données permettent de voir venir… pour paniquer ou pour s’organiser.

C’est selon.

L’économiste Thomas Malthus s’y est intéressé il y a plus de 200 ans. Ce qu’il y a de fascinant, c’est que déjà, à l’époque, c’est l’équation entre la disponibilité des ressources et la croissance démographique qui captait son attention. La chose le préoccupait sérieusement puisque, selon lui, la population avait tendance à croître plus vite (croissance géométrique) que la croissance des ressources (croissance arithmétique). On allait donc, un moment donné ou un autre, manquer de ressources pour satisfaire tout le monde.

Voilà le genre de réflexion qui émane de la thématique démographique.

Aujourd’hui, on s’inquiète principalement de la surpopulation et du vieillissement. Surpopulation, pour les mêmes raisons que Malthus, problème que l’on rencontre surtout dans les pays en développement. Vieillissement, pour les pays développés, qui se demandent s’ils manqueront un jour de travailleurs pour compenser le nombre de vieillards qui peupleront leurs territoires.

Pour donner une idée : en 2016, la population du Québec était de 8,4 millions d’habitants. Elle sera de 9,4 millions en 2036. C’est un million de plus en 20 ans. Le taux de croissance au Québec augmente de 8 personnes par 1000 de population (2016). C’est peu. Moins que les chiffres du Canada (12,6 pour 1000 de population), mais plus que les États-Unis à 6,9 pour 1000, avec cependant, il est vrai, plus de 323 millions d’habitants.

Il est peut-être moins tentant d’avoir des enfants sous la gouverne de Trump, mais je m’égare…

La démographie peut jouer sur bien des terrains. Par exemple, à Québec, on prévoit qu’il y aura 28 000 nouveaux ménages d’ici 2036, soit environ 57 000 nouveaux résidents. C’est l’ISQ (2014) qui le dit.

Selon les projections du schéma d’aménagement et de développement de la Ville de Québec, cela veut dire environ 10 000 nouvelles maisons et duplex, 18 000 nouveaux appartements ou condos. Ça, c’est excitant pour les fanas du développement.

Qui plus est, dans l’état actuel des choses, il semble devenu incontournable (j’en doute) d’agrandir le périmètre d’urbanisation, parce qu’on manquera d’espace pour accueillir tout ce beau monde. On prévoit alors dézoner les terres agricoles à l’ouest, puisqu’on est limité au nord en raison des bassins versants et à l’est par des voisines municipales.

Restent donc nos bonnes vieilles terres agricoles qu’on pourrait avaler, environ 660 hectares, pour répondre à la demande. Évidemment, la Commission de protection du territoire agricole doit dire oui à ça… et c’est pas fait! Il faut pouvoir la convaincre, elle qui existe exclusivement pour protéger le territoire agricole. Ça reste à voir, donc. Mais, les développeurs qui croient que le diable sera aux vaches si rien n’est fait salivent déjà devant ce gros steak immobilier, se montrant sans doute moins touchés par l’agriculture de proximité que par les perspectives foncières.

Quant au vieillissement, l’âge moyen au Québec en 2011 était de 40,9 ans alors qu’il sera de 45,2 ans en 2036. Ainsi, en 20 ans, on haussera l’âge moyen de presque 5 ans. Ce chiffre-là fait peut-être un peu plus mal, non?

Eh bien, à ceux, déjà, qui auraient tendance à paniquer, rappelons le sage mot de Calderón : « Le pire n’est jamais certain. »

Pas de panique

Si l’on peut aisément s’arrêter aux aspects négatifs du vieillissement, on peut aussi voir ce qui se vit ailleurs, chez ceux qui sont aux prises avec le problème depuis un moment déjà. Prenez le Japon. Là-bas, on subit le vieillissement de la population depuis plus d’une vingtaine d’années. Aussi, le taux de croissance nippon est négatif, de -1,7. On gère la décroissance! On devine alors les problèmes liés à la disponibilité de main-d’œuvre qui en découlent.

Est-ce que les Japonais se sont assis dans un coin à pleurer? Non. Ils ont pris les moyens pour hausser la productivité, notamment par la robotisation des processus, par l’achat de machines, par l’innovation, par l’assistance d’un robot ou de la technologie, là où c’était devenu possible. En somme, il a fallu investir.

Et puis, le problème de rareté de la main-d’œuvre peut aussi être contourné, ou amenuisé… par la hausse des salaires! Un emploi plus payant risque, en effet, d’être un peu plus attrayant.

Au Québec et ailleurs, on cherche évidemment à combler le manque de main-d’œuvre par l’immigration. Ce que les chiffres nous montrent, cependant, c’est qu’on est encore loin d’enrayer le problème avec l’arrivée d’immigrants. C’est nettement insuffisant, même si, de fait, le taux de croissance québécois dépend, en bonne partie, depuis quelques années de l’immigration.

Bon pour l’écologie

C’est peut-être pas si mauvais qu’il y ait un ralentissement démographique, en tout cas, certainement du point de vue environnemental puisque l’empreinte écologique de la population mondiale est considérable. Plus il y a de monde, plus on consomme des ressources et d’énergie. Certains croient qu’on va frapper un mur, un jour. Malthus le croyait il y a 200 ans. Harvey Mead le croit plus que jamais aujourd’hui et il l’a écrit. Albert Jacquard fait le même constat de son côté.

Bon.

Car, au fond, c’est l’obsession de la croissance qui pose véritablement problème. Il FAUT croître. Il FAUT faire plus que l’an dernier, encore plus l’an prochain. Or, compte tenu des ressources limitées, l’heure est venue de réfléchir sérieusement et sans complaisance à ce propos. Le vieillissement de la population est terrible parce que nos courbes de croissances seront affectées. Et alors?

La surpopulation, c’est bon pour la croissance, mais elle nuit à la planète. La démographie ralentit? Et alors? C’est peut-être davantage quelque chose comme une solution, plutôt qu’un problème.

On pourrait sagement hausser la productivité pour combler, non pas les fantasmes de la croissance, mais les besoins réels de la population. On pourrait en profiter pour se demander si notre appétit consumériste ne mérite pas un peu de retenu, au passage.

Vive les vieux

Et puis, le vieillissement n’est pas forcément synonyme de baisse de productivité : il est démontré qu’au sein d’équipes multidisciplinaires, les « séniors » tendent à prouver leur utilité, eux qui ont vu neiger, qui peuvent apprendre aux moins expérimentés du lot. Semblerait que l’entrepreneuriat ne souffrira pas tellement de la situation puisqu’on serait plus tenté de réaliser le rêve des affaires avec l’âge, la confiance et l’expérience aidant. Certaines études montrent même qu’il est possible d’effectuer des tâches contre rémunération, même passé 85 ans!

Pour ceux qui font des cauchemars à propos des caisses de retraite, il faut savoir que les fonds sont pour la plupart capitalisés, ce qui veut dire qu’on a les sous pour assurer les vieux jours et qu’on a prévu des taux de cotisation conséquents. Évidemment, les rendements variables des intérêts sur les placements ont joué de vilains tours, mais il ne faut pas oublier que les retraités vont retirer ce qu’ils ont mis de côté et cela aura un effet à la hausse sur les taux d’intérêt. Oui, parce qu’on voudra inciter les plus jeunes à épargner pour éviter de dégarnir les coffres du système sans réagir. Des taux qui montent, c’est déjà ça de pris!

Par contre, le vieillissement forcera les changements d’habitudes. Par exemple, il faudra sans doute changer la façon de collecter l’impôt. C’est évident : moins de revenus d’impôt, moins de taxes de vente… faudra réagir. Il sera alors nécessaire de se tourner vers ceux qui détiennent la richesse : taxer le capital, les successions…

Oh non!

On imagine au départ la résistance des plus fortunés, qui n’ont pas l’habitude de ne pas être entendus. Mais, on peut résister tant qu’on veut, viendra le moment où les gouvernements n’auront pas le choix de piger l’argent où il se trouve.

C’est dur, la vie.

Alors, avant d’attribuer aux ainés tous les maux de la Terre, vaudrait mieux réfléchir un brin. En particulier à propos des baby-boomers.

Moi, je leur dois la mise en œuvre de la Révolution tranquille qui nous a conduits au Québec moderne, à l’État dont nous profitons tous, collectivement, dans le sens positif du terme.

Alors, un grand merci.

 

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