Le Canada a 150 ans.
Yééé!
On va fêter ça, en français, avec les CD sortis pour l’occasion…
Euh, non. On ne pourra pas. Il n’y a pas l’ombre du début du commencement d’une chanson en français sur 6 CD. On était coincé dans l’espace, présumons…
Bref, 150 ans d’amour et de partage qui mérite une question sérieuse : 150 ans du marché commun canadien… et le Québec, dans tout ça?
Comme pour chacun des sujets (ou presque) touchant l’unité nationale, c’est ni blanc, ni noir, quelques nuances de gris…
On l’oublie, mais les 150 ans du Canada, c’est aussi les 150 ans du Québec, créé par la magie d’un vote au Parlement britannique il y a un siècle et demi.
Il y avait, derrière cette idée, différentes motivations, dont celle d’offrir un marché intérieur à l’économie canadienne qui était privée, depuis 1866, de son accord de réciprocité avec les États-Unis qui lui donnait accès à un marché jusqu’alors fructueux.
Mais, pourquoi, au fait, ont-ils mis un terme à cet accord? Ah, vous êtes curieux!
C’est que l’Angleterre, en douce, avait soutenu les États du Sud contre le Nord. Oui, oui! Le Royaume-Uni était derrière les défenseurs de l’esclavagisme! Comme c’est beau! À l’issue de la guerre, le clan victorieux (le Nord) souhaitait mettre un terme à cet accord le liant aux colonies britanniques.
Le Canada pourra ainsi riposter par l’expansion de son marché intérieur, soutenu par l’établissement du chemin de fer reliant les nouvelles provinces entre elles. Ah oui, j’oubliais : province vient du latin « pro victis » qui signifie « territoire vaincu ».
Bref…
Le Canada réplique, nous disions, par l’expansion de son marché intérieur, par le prolongement du chemin de fer et par des tarifs douaniers élevés pour refroidir les tentations américaines. C’est l’époque de la « Politique nationale ».
Cute.
Mais, quel bilan en faire, un siècle et demi plus tard?
On pourra soulever le positif: l’union économique canadienne est, aujourd’hui, parmi les pays développés, parmi le G7, le G8… bingo. Le niveau de vie des Canadiens est élevé, le Québec est quant à lui un des meilleurs endroits du monde où vivre, où l’on est le plus heureux (malgré nos taxes trop importantes, faut-il croire).
Happy, happy, joy, joy.
Historiquement, on pourra noter que Montréal a été tassée dans son coin au profit de Toronto et des autres grandes canadiennes. Certes. Mais, que le Québec a aussi profité du marché canadien, des préférences de l’Empire britannique ou des commandes de l’industrie militaire, comme l’écrit Jean-Claude Cloutier.
Oui.
On pourra parler de ce qui n’a pas marché, n’a pas aidé le Québec, de l’immensité du Canada dont les régions sont peut-être trop différentes et qu’il faut favoriser à tour de rôle, un moment donné, du déclin des manufactures du Québec, de la valeur du dollar qui a parfois joué contre l’économie québécoise, de ses difficultés… compensées en partie par le soutien canadien, comme la péréquation.
C’est vrai.
Mais, ne faites pas dire à la péréquation ce qu’elle ne dit pas : elle ne permet pas au Québec de s’offrir des services sociaux de luxe. C’est faux. C’est un choix que les Québécois ont fait : être taxés davantage pour avoir un filet plus fort et plus large que celui des autres.
Dixit, Luc Godbout.
Alors, au bout du compte, la vraie question n’est plus d’ordre économique. Après tout, même Jean Charest (et l’Institut Fraser) a admis que le Québec indépendant tient la route sur le plan économique.
C’est donc dans l’arène politique que ça se joue. C’est donc les Québécois, eux-mêmes, qui doivent se regarder dans la glace et se demander ce qu’ils veulent faire de leur pays. En contrôler davantage la destinée, les rouages, le potentiel, pour faire les choix appropriés selon leurs propres priorités, ou accepter les négociations, l’eau dans le vin, les arbitrages et les choix du gouvernement canadien.
C’est ça, en somme.
Êtes-vous fiers du Québec, ou pas? Souhaitez-vous qu’il se joigne au Concert des Nations ou qu’il reste un violon parmi les autres, fondu dans l’Harmonie canadienne?
Possible que la décision soit de poursuivre, comme c’est là. Possible que le choix soit celui d’opter pour une autre voie, souveraine.
Rendu-là, il faudra voir l’espace que l’on laissera à la démocratie. Le passif canadien compte quelques ombres au tableau référendaire. Et l’expérience espagnole rappelle toute la fragilité de la démocratie, quand ce ne sont pas les « bons » intérêts qui occupent toute la place…
Des références :
- Les 150 ans de l’économie de la province de Québec
Jean-Claude Cloutier - Les 150 ans du marché commun canadien
Jean-Pierre Furlong - Que vaut la critique albertaine au sujet de la péréquation reçue par le Québec
Luc Godbout