La dette du Québec : vérités et mensonges

Nous sommes endettés, pris à la gorge. Nous vivons au-dessus de nos moyens. Nos fonctionnaires gras durs siphonnent nos taxes payées à la sueur de notre front, on n’a plus les moyens d’avoir des services publics aussi chers. Il faut mettre la hache partout. Faisons comme au privé, tout ira pour le mieux. Nous serons tous riches.

Voilà les perles enfilées les unes après les autres sur le fil du discours dominant, néolibéral, qui voudrait bien que l’État cesse de contribuer au bien-être collectif pour en mettre encore davantage dans les poches des quelques privilégiés qui tirent les ficelles.

Ce discours abrutissant, et faux, on l’entend souvent, presque partout, depuis des années. Tant et si bien que l’on finit par se demander s’il ne s’agit pas de la vérité, pure et simple, de la voix de la science, voire celle de Dieu.

Mais, un chercheur qui cherche… et qui trouve, c’est bien tannant. Ça contrecarre quelque peu les plans, si divins soient-ils. Et le chercheur trouve que les chiffres ne confirment pas la thèse dominante. Il la déboulonne, jusqu’au plancher.

Dans « La dette du Québec : vérités et mensonges », les auteurs, membres d’ATTAC Québec, se sont prêtés au jeu de l’analyse. Ils dissipent le brouillard que l’on entretien, fort volontiers, autour de la dette depuis de nombreuses années. Et la conclusion? La dette n’est pas hors contrôle, elle est bien gérée. La dette est, en fait, d’abord et surtout un outil politique, idéologique.

Exagérer la gravité de la dette, c’est ouvrir la voie, encore plus largement, à la privatisation des services publics, à la réduction des impôts pour les privilégiés qui, dit-on, profitent des économies d’impôts pour réinvestir et créer des emplois (en réalité, ils font surtout de la surépargne, de l’évitement fiscale, de l’évasion fiscale, se donnent des bonus, mais ne réinvestissent que fort peu dans l’économie productive).

Pensez seulement au fameux compteur de la dette qui donne volontairement le vertige, gracieuseté du très idéologique et non-objectif Institut économique de Montréal…

Une vraie farce. Une supercherie. Un mensonge complet. Une honteuse manipulation.

Nous ne sommes pas au bord du gouffre. La dette n’est pas insignifiante, admettent les auteurs, mais elle n’est pas l’ogre hideux, le Gargantua de l’endettement.

Du tout.

Le compteur de la dette de l’IEDM se sert de la dette brute, répartie chez les seuls contribuables qui paient de l’impôt. Cette formule est choisie à dessein : elle exagère le poids de la dette et néglige volontairement les actifs de l’État (Hydro-Québec, par exemple, qui a une grande valeur), de même que l’ensemble de ce qui constitue sa richesse, qui contribue à son économie de manière positive.

Même le simple conseiller financier du coin ne commet pas pareille sottise lorsqu’il établit le bilan financier d’une personne. Alors, pourquoi escamoter ces informations essentielles? Pour servir sa cause, bien entendu.

Quand l’exercice est fait avec rigueur et honnêteté, en comparant le poids de la dette à l’ensemble de ce que la société produit en terme de richesse (PIB), on découvre que le niveau d’endettement au Québec est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.

Tiens donc… le monstre s’est évaporé!

Et tant qu’à faire disparaître les épouvantails…

Non, un État ne se gère pas « en bon père de famille » ni comme une entreprise. L’État n’est pas une entreprise. Il n’est pas limité dans le temps comme peut l’être l’humain, mortel, ni sérieusement susceptible de faire faillite, comme une entreprise. Un État, ça rend des services publics, ça contribue au bien-être collectif. Et ça contrôle plusieurs outils économiques capables d’améliorer son bilan économique.

En somme, s’endetter, dans un contexte de contrôle, est sain, équitable parce que ça répartit dans le temps la charge des infrastructures, les coûts, et ça permet d’en faire davantage que si l’on s’obstinait à attendre d’avoir accumulé le montant total dans notre compte de banque.

Ainsi, le discours dominant a tout faux, ou presque. Et pendant que l’on se laisse distraire par l’illusion, on joue le jeu: l’endettement des ménages est un exemple concret des effets de cette logique néolibérale. Et, surtout, les services publics se dégradent, de plus en plus.

Et puis, il y a bien pire que la dette (que l’on doit d’ailleurs, pour l’essentiel, aux Québécois et aux Canadiens) : il y a notre empreinte écologique.

Celle-là mérite bien davantage d’attention, car c’est un héritage empoisonné et, peut-être, irréversible, que nous léguons aux générations futures.

C’est sans doute moins payant pour le banquier ou le spéculateur, mais ça l’est certainement beaucoup plus pour l’ensemble de l’humanité.

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