C’est gravé sur la pierre. Un moïse à cravate descend de son penthouse pour nous imposer la divine parole : les Lois de l’économie sont de Saintes lois. Elles sont parfaites, justes en toutes circonstances. Elles s’adaptent à toutes les situations, sont infaillibles… de véritables Commandements.
Bon, assez de conneries.
Les lois de l’économie ne sont pas des lois divines, mais ont effectivement un lien avec la théologie, nous dit Jacques Généreux dans son livre Les vraies lois de l’économie : il y a une volonté obstinée, fortement contaminée de zèle, à nous imposer ces « lois » comme étant divine ou même scientifique. Dans un cas comme dans l’autre, pourquoi s’obstiner?
La science est rigoureuse, la science a raison. Et la loi du marché est scientifiquement éprouvée…
Dit-on.
Mais l’économiste français n’en croit pas un traitre mot. Aussi, nous présente-t-il « ses » lois qu’il estime plus près de la vérité. Et cette vérité tourne autour des hommes. L’économie n’est pas faite que de théorèmes, de statistiques et de calculs mathématiques. Elle est surtout faite par et pour des hommes. Rien que des hommes.
L’économie est ainsi imprévisible, faite de nuances, influencée par de multiples (et parfois contradictoires) facteurs.
Alors, pourquoi continuer de nous faire croire que la science économique sait tout, qu’elle ne se trompe jamais?
Pour Généreux, le véritable enjeu, c’est la démocratie. Ceux qui tirent profit de la situation ont tout intérêt à exploiter l’ignorance au lieu de la combattre, à nous faire croire que ce sont des lois aussi inévitables que la loi de la pesanteur. Car, « la soumission aux lois de l’économie est l’habillage psychologiquement supportable de la soumission des hommes à d’autres hommes. »
Dans cette conception des choses, l’expert prend la place du citoyen, la science économique détermine quelles sont les bonnes et les mauvaises politiques. Ainsi, l’électeur ignorant devient superflu. Tout comme le parlement. Les experts peuvent gouverner tout seuls.
Et ce qu’il y a de formidable avec un parlement où on trouve, au bout du compte, une foule de fanatiques partisans de la loi du marché, c’est qu’avec la légitimité de la Nation que confère l’élection, les coudées sont franches.
Le champ est libre.
Pourtant, il s’en trouve tout plein d’économistes qui sortent des rangs et qui disent, études à l’appui, que la science économique est souvent dans le champ, qu’elle est plus imprévisible et imparfaite qu’on veut nous le faire croire.
« Aussi est-il paradoxal de constater que, précisément à l’époque où la science économique elle-même renonce à considérer ses prescriptions comme des ordres de la nature, le discours dominant met en avant les lois de l’économie pour ordonner le retrait du politique, la soumission de la volonté politique. »
Le discours politique aime bien se servir de la « force » de la science pour imposer son agenda. C’est alors plus facile que d’afficher ouvertement que le néolibéralisme est la victoire des puissants sur les faibles, des riches sur les pauvres. Il faut maquiller tout ça.
Car ces zélotes ne s’arrêteront pas. Ils en viennent même à croire que la réalité est fausse, et non pas la science économique! Un disciple de la Loi du marché ne croit pas que ce qu’il voit, il ne voit que ce qu’il croit.
Oui, il ne voit que ce qu’il veut bien voir. « Ce n’est pas parce que ce qu’ils disent est juste qu’ils ont raison, mais l’inverse. Ils ont raison, donc ce qu’ils disent est juste », écrit Généreux.
De quoi faire frémir, non?
Une question, pourtant, me turlupine: ne croyez-vous pas que si ces lois étaient immuables et parfaitement prévisibles… tous les économistes, fiscalistes et experts seraient, sans exception, des milliardaires?
Eh bin, non. Ce sont des humains.
Rien que des humains.